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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/468

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étoit possible qu’il la perdît, à la représentation de l’une de ses meilleures pièces1. J’ai vu les deux meilleurs comédiens du monde2 exposés à nos railleries ; et l’influence de ce faux esprit étant passée, ils se firent admirer comme auparavant, par un heureux retour de notre bon goût. Les airs de Boisset, qui charmèrent autrefois si justement toute la cour, furent laissés bientôt pour des chansonnettes ; et il fallut que Luigi, le premier homme de l’univers en son art, que Luigi les vînt admirer d’Italie, pour nous faire repentir de cet abandonnement, et leur redonner la réputation qu’une pure fantaisie leur avoit ôtée. Si vous en demandez la raison, je vous dirai que l’industrie tient lieu en France du plus grand mérite, et que l’art de se faire valoir donne plus souvent la réputation que ce qu’on vaut.

Comme les bons juges sont aussi rares que les bons auteurs ; comme il est aussi difficile de trouver le discernement dans les uns, que le génie dans les autres ; chacun cherche à donner de la réputation à ce qui lui plaît ; et il arrive que la multitude fait valoir ce qui a du rapport à son mauvais goût, ou tout au plus à son


1. La Sophonisbe.

2. Floridor et Montfleuri.