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Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/469

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intelligence médiocre. Ajoutez que la nouveauté a un charme pour nous, dont nos esprits se défendent malaisément. Le mérite où nous sommes accoutumés, laisse former avec le temps une habitude ennuyeuse ; et les défauts sont capables de nous surprendre agréablement, en ce que nous n’avons pas vu. Les choses les plus estimables qui ont paru beaucoup parmi nous, ne font plus leur impression, comme bonnes ; elles apportent le dégoût, comme vieilles. Celles, au contraire, à qui on ne devroit aucune estime, sont moins souvent rejetées comme méprisables, que recherchées comme nouvelles.

Ce n’est pas qu’il n’y ait en France des esprits bien sains, qui ne se dégoûtent jamais de ce qui doit plaire, et jamais ne se plaisent à ce qui doit donner du dégoût : mais la multitude, ou ignorante ou préoccupée, étouffe le petit nombre des connoisseurs. D’ailleurs, les gens du plus grand éclat font tout valoir à leur fantaisie ; et quand une personne est bien à la mode, elle peut donner le prix également aux choses où elle se connoît, et à celles où elle ne se connoît pas.

Il n’y a point de pays où la raison soit plus rare qu’elle est en France : quand elle s’y trouve, il n’y en pas de plus pure dans l’univers. Communément tout est fantaisie ; mais une fantaisie si belle, et un caprice si noble