Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/513

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PORTRAIT DE SAINT-ÉVREMOND FAIT PAR LUI-MÊME1.
(1696.)

C’est un philosophe également éloigné du superstitieux et de l’impie ; un voluptueux qui n’a pas moins d’aversion pour la débauche, que d’inclination pour les plaisirs ; un homme qui n’a jamais senti la nécessité, qui n’a jamais connu l’abondance ; il vit dans une condition méprisée de ceux qui ont tout, enviée de ceux qui n’ont rien, goûtée de ceux qui font consister leur bonheur dans leur raison. Jeune, il a haï la dissipation, persuadé qu’il falloit du bien pour les commodités d’une longue vie. Vieux il a de la peine à souffrir l’économie, croyant que la nécessité est peu à craindre, quand on


1. Ce portrait étoit écrit, pour faire suite à l’épitaphe que Saint-Évremond avoit composée, en 1696, pour son ami, le célèbre comte de Grammont, qui fut alors gravement malade. On lit, dans cette épitaphe, ces quatre vers :

Alloit-il souvent à confesse ?
Entendoit-il vêpres, sermon ?
S’appliquoit-il à l’oraison ?
Il en laissoit le soin à la comtesse.