Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/514

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a peu de temps à pouvoir être misérable. Il se loue de la nature ; il ne se plaint point de la fortune ; il hait le crime ; il souffre les fautes, il plaint le malheureux ; il ne cherche point dans les hommes ce qu’ils ont de mauvais, pour les décrier ; il trouve ce qu’ils ont de ridicule, pour s’en réjouir ; il se fait un plaisir secret de le connoître ; il s’en feroit un plus grand de le découvrir aux autres, si la discrétion ne l’en empêchoit.

La vie est trop courte, à son avis, pour lire toutes sortes de livres, et charger sa mémoire d’une infinité de choses, aux dépens de son jugement ; il ne s’attache point aux écrits les plus savants, pour acquérir la science, mais aux plus sensés, pour fortifier sa raison ; tantôt il cherche les plus délicats, pour donner de la délicatesse à son goût ; tantôt les plus agréables, pour donner de l’agrément à son génie. Il me reste à vous le dépeindre, tel qu’il est dans l’amitié et dans la religion : en l’amitié, plus constant qu’un philosophe, plus sincère qu’un jeune homme de bon naturel, sans expérience ; à l’égard de la religion,

De justice et de charité,
Beaucoup plus que de pénitence,
Il compose sa piété.
Mettant en Dieu sa confiance,
Espérant tout de sa bonté,