Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/84

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combat, ce qu’il ne put faire ; ou du moins pour le décrier, en quoi il ne manqua pas de réussir. Il fit soupçonner même qu’il y avoit de l’intelligence entre eux, conservant ses terres seules, avec grand soin, dans la désolation générale de la campagne.

Ce n’est encore qu’une partie de ses artifices. Pendant qu’il travailloit à ruiner la réputation de Fabius, qui lui faisoit de la peine, il n’oublia rien pour en donner à Minutius, auquel il souhaitoit le commandement, ou du moins une grande autorité dans l’armée. Tantôt il faisoit semblant de l’appréhender, quand il témoignoit toute sorte de mépris pour l’autre. Quelquefois, après s’être engagé en quelque léger combat, avec lui, il se retiroit le premier, et lui laissoit prendre une petite supériorité, qui augmentoit son crédit parmi les Romains, et le prépàroit à se perdre par une téméraire confiance. Enfin, il sut employer tant d’artifices à décrier le dictateur, et à faire estimer le général de la cavalerie, que le commandement fut partagé et les troupes séparées : ce qui ne s’étoit jamais fait, auparavant. Vous diriez que Rome agissoit par l’esprit de son ennemi ; car dans la vérité, ce décret si extraordinaire était un pur effet de ses machines et de ses desseins.

Alors, la vanité de Minutius n’eut plus de bornes : il méprisoit, avec une égale imprudence,