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nouveaux essais sur l’entendement

pays de Gales, de Cornuaille, et le bas breton ; mais le hibernois en diffère encore davantage et nous fait voir les traces d’un langage britannique, gaulois et germanique, encore plus antique. Cependant ces langues viennent toutes d’une source et peuvent être prises pour des altérations d’une même langue, qu’on pourrait appeler la celtique. Aussi les anciens appelaient-ils Celtes tant les Germains que les Gaulois ; et, en remontant davantage pour y comprendre les origines tant du celtique et du latin que du grec, qui ont beaucoup de racines communes avec les langues germaniques ou celtiques, on peut conjecturer que cela vient de l’origine commune de tous ces peuples descendus des Scythes, venus de la mer Noire, qui ont passé le Danube et la Vistule, dont une partie pourrait être allée en Grèce, et l’autre aura rempli la Germanie et les Gaules ; ce qui est une suite de l’hypothèse qui fait venir les Européens d’Asie[1]. Le Sarmatique (supposé que c’est l’esclavon) a sa moitié pour le moins d’une origine ou germanique ou commune avec le germanique. Il en paraît quelque chose de semblable même dans le langage finnois, qui est celui des plus anciens Scandinaviens, avant que les peuples germaniques, c’est-à-dire les Danois, Suédois et Norvégiens y aient occupé ce qui est le meilleur et le plus voisin de la mer, et le langage des Finnoniens ou du nord-ouest de notre continent, qui est encore celui des Lapons, s’étend depuis l’océan germanique ou norvégien plutôt, jusque vers la mer Caspienne (quoique interrompu par les peuples esclavons qui se sont fourrés entre deux) et a du rapport au hongrois, venu des pays qui sont maintenant en partie sous les Moscowites. Mais la langue tartaresque, qui a rempli le nord-est de l’Asie, avec ses variations, parait avoir été celle des Huns et Cumans, comme elle l’est des Usbecs ou Turcs, des Calmues, et des Mugalles. Or toutes ces langues de la Scythie ont beaucoup de racines communes entre elles et avec les nôtres, et il se trouve que même l’arabique (sous laquelle l’hébraïque, l’ancienne punique, la chaldéenne, la syriaque, et l’éthiopique des Abyssins doivent être comprises) en a d’un si grand nombre et d’une convenance si manifeste avec les nôtres, qu’on ne le saurait attribuer au seul hasard, ni même au seul commerce, mais plutôt aux migrations des peuples[2]. De

  1. Cette hypothèse a été vérifiée par la philologie comparée. P. J.
  2. D’après la philologie moderne, les langues dont parle ici Leibniz, et que l’on appelle sémitiques, n’ont qu’un très petit nombre de racines communes avec les langues indo-européennes, et forment deux familles irréductibles. P. J.