Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
réflexions sur l’essais de locke

M. Huyghens a fait la même remarque. Il y aurait bien il dire lit dessus ; et plusieurs choses excellentes sont méprisées, parce qu’on n’en fait pas l’usage dont elles sont capables. Nous sommes portés à mépriser ce que nous avons appris dans les écoles. Il est vrai que nous y apprenons bien des inutilités ; mais il est bon de faire la fonction della Crusca, c’est-il-dire de séparer le bon du mauvais. M. Locke le peut faire autant que qui que ce soit ; et de plus il nous donne des pensées considérables de son propre crû. Sa pénétration et sa droiture paraissent partout. Il n’est pas seulement essayeur, mais il est encore transmutateur, par l’augmentation qu’il donne du bon métal. S’il continuait d’en faire présent au public, nous lui en serions fort redevables.

II. — Échantillon de réflexion sur le livre I de l’essai
de l’entendement de l’homme.

Pour prouver qu’il n’y a point d’idées nées avec nous, l’excellent auteur de l’Essai sur l’entendement de l’homme allègue l’expérience, qui fait voir que nous avons besoin d’occasions extérieures pour pensera ces idées. J’en demeure d’accord, mais il ne me semble point qu’il s’ensuit que les occasions qui les font envisager, les font naître. Et cette expérience ne saurait déterminer, si c’est par immission d’une espèce ou par l’impression des traces sur un tableau vide, ou si c’est par le développement de ce qui est déjà en nous, que nous nous en apercevons. Il n’est pas extraordinaire qu’il y ait quelque chose en notre esprit dont nous ne nous apercevions point toujours. La réminiscence fait voir que nous avons souvent de la peine à nous souvenir de ce que nous savons, et à attraper ce qui est déjà dans le clos et dans la possession de notre entendement. Cela se trouvant vrai dans les connaissances acquises, rien n’empêche qu’il ne soit vrai aussi dans celles qui sont nées avec nous. Et même il y a encore plus de difficulté de s’apercevoir de ces dernières, quand elles n’ont pas encore été modifiées et circonstanciées par des expériences, comme les acquises le sont, dont souvent les circonstances nous font souvenir.

L’auteur entreprend de faire voir en particulier que l’impossibilité et l’identité, le tout et la partie, etc., n’ont point d’idées nées avec nous. Mais je ne comprends point la force des preuves qu’il