Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/560

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qu’il y a dans les vérités les plus contingentes, c’est-à-dire qu’il y a toujours quelque chose à concevoir dans le sujet, qui sert à rendre raison pourquoi ce prédicat ou événement lui appartient, ou pourquoi cela est arrivé plutôt que non. Mais ces raisons des vérités contingentes inclinent sans nécessiter. Il est donc vrai que je pourrais ne pas faire ce voyage, mais il est certain que je le ferai. Ce prédicat on événement n’est pas lié certainement avec mes autres prédicats conçus incomplètement ou sub ratione generalitatis ; mais il est lié certainement avec une notion individuelle complète, puisque je suppose que cette notion est fabriquée exprès, en sorte qu’on en puisse déduire tout ce qui m’arrive ; laquelle se trouve sans doute a parte rei, et c’est proprement la notion de moi qui me trouve sous de différents états, puisque c’est cette notion seule qui les peut tous comprendre.

J’ai tant de déférence pour M. Arnaud et tant de bonne opinion de son jugement, que je me défie aisément de mes sentiments ou au moins de mes expressions dès que je vois qu’il y trouvé à redire. C’est pourquoi j’ai suivi exactement les difficultés qu’il a proposées, et, ayant tâché d’y satisfaire de bonne foi, il me semble que je ne me trouve pas trop éloigné de ses sentiments.

La proposition dont il s’agit est de très grande importance, et mérite d’être bien établie, car il s’ensuit que toute âme est comme un monde il part, indépendant de toute autre chose hors de Dieu : qu’elle n’est pas seulement immortelle et pour ainsi dire impassible, mais qu’elle garde dans sa substance des traces de tout ce qui lui arrive. Il s’ensuit aussi, en quoi consiste le commerce des substances, et particulièrement l’union de l’âme et du corps. Ce commerce ne se fait pas suivant l’hypothèse ordinaire de l’influence physique de l’une sur l’autre, car tout état présent d’une substance lui arrive spontanément, et n’est qu’une suite de son état précédent il ne se fait pas aussi suivant l’hypothèse des causes occasionnelles, comme si Dieu s’en mêlait autrement pour l’ordinaire, qu’en conservant chaque substance dans son train, et comme si Dieu il l’occasion de ce qui se passe dans le corps excitait des pensées dans l’âme, qui changeassent le cours qu’elle aurait prise d’elle-même sans cela ; mais il se fait suivant l’hypothèse de la concomitance, qui me paraît démonstrative. C’est-à-dire chaque substance exprime toute la suite de l’univers selon la vue ou rapport qui lui est propre, d’où il arrive qu’elles s’accordent parfaitement ; et lorsqu’on dit que