Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/766

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remédié a tout par avance. Il y a dans ses ouvrages une harmonie, une beauté déjà préétablies.

9. Ce sentiment n’exclut point la providence ou le gouvernement de Dieu : au contraire, cela le rend parfait. Une véritable providence de Dieu demande une parfaite prévoyance : mais de plus elle demande aussi, non seulement qu’il ait tout prévu, mais aussi qu’il ait pourvu à tout par des remèdes convenables préordonnés : autrement il manquera ou de sagesse pour le prévoir, ou de puissance pour y pourvoir. Il ressemblera à un Dieu socinien, qui vit du jour à la journée, comme disait M.  Jurieu. Il est vrai que Dieu, selon les raciniens, manque même de prévoir les inconvénients ; au lieu que, selon ces Messieurs qui l’obligent à se corriger, il manque d’y pourvoir. Mais il me semble que c’est encore un manquement bien grand ; il faudrait qu’il manquât de pouvoir ou de bonne volonté.

10. Je ne crois point qu’on me puisse reprendre avec raison, d’avoir dit que Dieu est Inteltigentia Supramundana. Diront-ils qu’il est Intelligentia Mundana, c’est-à-dire qu’il est l’âme du monde ? J’espère que non. Cependant ils feront bien de se garder d’y donner sans y penser.

11. La comparaison d’un roi, chez qui tout irait sans qu’il s’en mêlât, ne vient point à propos ; puisque Dieu conserve toujours les choses, et qu’elles ne sauraient subsister sans lui : ainsi son royaume n’est point nominal. C’est justement comme si l’on disait qu’un roi, qui aurait si bien fait élever ses sujets, et les maintiendrait si bien dans leur capacité et bonne volonté, par le soin qu’il aurait pris de leur subsistance, qu’il n’aurait point besoin de les redresser, serait seulement un roi de nom.

12. Enfin, si Dieu est obligé de corriger les choses naturelles de temps en temps, il faut que cela se fasse ou surnaturellement ou naturellement. Si cela se fait surnaturellement, il faut recourir au miracle pour expliquer les choses naturelles ; ce qui est en effet une réduction d’une hypothèse ab absurdum. Car avec les miracles ou peut rendre raison de tout sans peine. Mais si cela se fait naturellement, Dieu ne sera point Inteiligentia Supramundana, il sera compris sous la nature des choses ; c’est-à-dire, il sera l’âme du monde.


Second réplique de M.  Clarke.

1. Lorsque j’ai dit que les principes mathématiques de la philosophie sont contraires à ceux des matérialistes, j’ai voulu dire qu’au