Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/804

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ils y trouvent un certain ordre de coexistence, suivant lequel le rapport des uns et des autres est plus ou moins simple. C’est leur situation ou distance. Lorsqu’il arrive qu’un de ces coexistants change de ce rapport à une multitude d’autres, sans qu’ils en changent entre eux ; et qu’un nouveau venu acquiert le rapport tel que le premier avait eu à d’autres, on dit qu’il est venu à sa place, et on appelle ce changement un mouvement qui est dans celui ou est la cause immédiate du changement. Et quand plusieurs, ou même tous, changeraient selon certaines règles connues de direction et de vitesse, on peut toujours déterminer le rapport de situation que chacun acquiert à chacun ; et même celui que chaque autre aurait ou qu’il aurait à chaque autre, s’il n’avait point changé, ou s’il avait autrement changé. Et supposant et feignant que parmi ces coexistants il y ait un nombre suffisant de quelques-uns, qui étaient point eu de changement en eux, on dira que ceux qui ont un rapport à ces existants fixes, tel que d’autres avaient auparavant à eux, ont eu la même place que ces derniers avaient eue. Et ce qui comprend toutes ces places est appelé espace. Ce qui fait voir que pour avoir l’idée de la place, et par conséquent de l’espace, il suffit de considérer ces rapports et les règles de leurs changements, sans avoir besoin de se figurer ici aucune réalité absolue hors des choses dont on considère la situation. Et, pour donner une espèce de définition, place est ce qu’on dit être le même à A et à B, quand le rapport de coexistence de B avec C, E, F, G, etc., convient entièrement avec le rapport de coexistence qu’A a eu avec les mêmes ; suppose qu’il n’y ait eu aucune cause de changement dans C, E, F, G, etc. On pourrait dire aussi, sans ecthèse, que place est ce qui est le même en moments différents à des existents, quoique différents, quand leurs rapports de coexistence avec certains existents, qui depuis un de ces moments à l’autre sont supposés fixes, conviennent entièrement. Et existents fixes sont ceux dans lesquels il n’y a point eu de cause du changement de l’ordre de coexistence avec d’autres ; ou (ce qui est le même) dans lesquels il n’y a point eu de mouvement. Enfin, espace est ce qui résulte des places prises ensemble. Et il est bon ici de considérer la différence entre la place, et entre le rapport de situation qui est dans le corps qui occupe la place. Car la place d’A et de B est la même ; au lieu que le rapport d’A aux corps fixes n’est pas précisément et individuellement le même que le rapport que B (qui prendra sa place) aura aux mêmes fixes ; et ces rapports con-