que la place, j’ai voulu définir ce que c’est que la même place. Je remarque enfin que les traces des mobiles, qu’ils laissent quelquefois dans les immobiles sur lesquels ils exercent leur mouvement, ont donné à l’imagination des hommes l’occasion de se former cette idée, comme s’il restait encore quelque trace lors même qu’il n’y a aucune chose immobile ; mais cela n’est qu’idéal, et porte seulement que, s’il y avait là quelque immobile, on l’y pourrait désigner. Et c’est cette analogie qui fait qu’on s’imagine des places, des traces, des espaces, quoique ces choses ne consistent que dans la vérité des rapports, et nullement dans quelque réalité absolue.
48. Au reste, si l’espace vide de corps (qu’on s’imagine) n’est pas vide tout à fait, de quoi est-il donc plein ? Y a-t-il peut-être des esprits étendus ou des substances immatérielles, capables de s’étendre et de se resserrer, qui s’y promènent et qui se pénètrent sans s’incommoder, comme les ombres de deux corps se pénètrent sur la surface d’une muraille ? Je vois revenir les plaisantes imaginations de M. Henri Morus (homme savant et bien intentionné d’ailleurs), et de quelques autres, qui ont cru que ces esprits se peuvent rendre impénétrables quand bon leur semble. Il y en a même eu qui se sont imaginé que l’homme, dans l’état d’intégrité, avait aussi le don de la pénétration ; mais qu’il est devenu solide, opaque et impénétrable par sa chute. N’est-ce pas renverser les notions des choses, donner à Dieu des parties, donner de l’étendue aux esprits ? Le seul principe du besoin de la raison suffisante fait disparaître tous ces spectres d’imagination. Les hommes se font aisément des fictions, faute de bien employer ce grand principe.
Sur le § 10.
49. On ne peut point dire qu’une certaine durée est éternelle ; mais on peut dire que les choses qui durent toujours sont éternelles, en gagnant toujours une durée nouvelle. Tout ce qui existe du temps et de la duration, étant successif, périt continuellement : et comment une chose pourrait-elle exister éternellement, qui, à parler exactement, n’existe jamais ? Car comment pourrait exister une chose, dont jamais aucune partie n’existe ? Du temps n’existent jamais que des instants, et l’instant n’est pas même une partie du temps. Quiconque considérera ces observations comprendra bien que le temps ne saurait être qu’une chose idéale ; et l’analogie du