Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/839

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc à la section 54, où il croit avoir prouvé que l’ordre est une quantité. Et moi je renvoie à ce que j“ai dit sur cette section dans ce dernier écrit, où je crois avoir prouvé que l’ordre n’est pas une quantité. Ce que l’auteur dit aussi touchant le temps renferme évidemment cette absurdité : savoir, que le temps n’est que l’ordre des choses successives ; et que cependant il ne laisse pas d’être une véritable quantité ; parce qu’il est non seulement l’ordre des choses successives, mais aussi la quantité de la durée qui intervient entre chacune des choses particulières qui se succèdent dans cet ordre. Ce qui est une contradiction manifeste.

Dire que l’immensité ne signifie pas un espace sans bornes, et que l’éternité ne signifie pas une durée ou un temps sans commencement, sans fin, c’est (ce me semble) soutenir que les mots n’ont aucune signification. Au lieu de raisonner sur cet article, l’auteur nous renvoie à ce que certains théologiens et philosophes (qui étaient de son sentiment) ont pensé sur cette matière. Mais ce n’est pas là de quoi il s’agit entre lui et moi.,

107, 108, 109. J’ai dit que, parmi les choses possibles, il n’y en a aucune qui soit plus miraculeuse qu’une autre, par rapport à Dieu ; et que par conséquent le miracle ne consiste dans aucune difficulté qui se trouve dans la nature d’une chose qui doit être faite, mais qu’il consiste simplement en ce que Dieu le fait rarement. Le mot de nature et ceux de forces de la nature, de cours de la nature, etc., sont des mots qui signifient simplement qu’une chose arrive ordinairement ou fréquemment. Lorsqu’un corps humain réduit en poudre est ressuscité, nous disons que c’est un miracle : lorsqu’un corps humain est engendré de la manière ordinaire, nous disons que c’est une chose naturelle ; et cette distinction est uniquement fondée sur ce que la puissance de Dieu produit l’une de ces deux choses ordinairement, et l’autre rarement. Si le soleil (ou la terre) est arrêté soudainement, nous disons que c’est un miracle ; et le mouvement continuel du soleil (ou de la terre) nous paraît une chose ordinaire et l’autre extraordinaire. Si les hommes sortaient ordinairement du tombeau, comme le blé sort de la semence, nous dirions certainement que ce serait aussi une chose naturelle : et si le soleil (ou la terre) était toujours immobile, cela nous paraîtrait naturel ; et en ce cas la nous regarderions le mouvement du soleil (ou de la terre) comme une chose miraculeuse. Le savant auteur ne dit rien contre ces raisons (ces grandes raisons, comme il les appelle), qui sont si