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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/840

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évidentes. Il se contente de nous renvoyer encore aux manières de parler ordinaires de certains philosophes et de certains théologiens ; mais, comme je l’ai déjà remarqué ci-dessus, ce n’est pas la de quoi il s’agit entre l’auteur et moi.

Il est surprenant que, sur une matière qui doit être décidée par la raison et non par l’autorité, on nous renvoie encore à l’opinion de certains philosophes et théologiens. Mais, pour ne pas insister sur cela, que veut dire le savant auteur par une différence réelle et interne entre ce qui est miraculeux et ce qui ne l’est pas ; ou entre des opérations naturelles et non naturelles, absolument, et par rapport à Dieu ? Croit-il qu’il y ait en Dieu deux principes d’action différents et réellement distincts, on qu’une chose soit plus difficile à Dieu qu’une autre ? S’il ne le croit pas, il s’ensuit, ou que les mots d’action de Dieu naturelle et surnaturelle sont des termes dont la signification est uniquement relative aux hommes ; parce que nous avons accoutumé de dire qu’un effet ordinaire de la puissance de Dieu est une chose naturelle, et, qu’un effet extraordinaire de cette même puissance est une chose surnaturelle (ce qu’on appelle les forces de la nature n’étant véritablement qu’un mot sans aucun sens), ou bien il s’ensuit que, par une action de Dieu surnaturelle, il faut entendre ce que Dieu fait lui-même immédiatement ; et par une action de Dieu naturelle, ce qu’il fait par intervention des causes secondes. L’auteur se déclare ouvertement, dans cette partie de son écrit, contre la première de ces deux distinctions ; et il rejette formellement la seconde dans la section 117, où il reconnaît que les anges peuvent faire de véritables miracles. Cependant je ne crois pas que l’on puisse inventer une troisième distinction sur la matière dont il s’agit ici.

Il est tout à fait déraisonnable d’appeler l’attraction un miracle, et de dire que c’est un terme qui ne doit pas entrer dans la philosophie, quoique nous ayons si souvent déclaré, d’une manière distincte et formelle, qu’en nous servant de ce terme nous ne prétendons pas exprimer la cause qui fait que les corps tendent l’un vers l’autre ; mais seulement l’effet de cette cause, ou le phénomène même, et les lois ou les proportions selon lesquelles les corps tendent l’un vers l’autre, comme on le découvre par l’expérience, quelle qu’en puisse être la cause. Il est encore plus déraisonnable de ne vouloir point admettre la gravitation ou l’attraction dans le sens que nous lui donnons, selon lequel elle est certainement un phéno-