Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/16

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L’on fait voir comment il est possible que tout dépende de lui, qu’il concoure à toutes les actions des créatures, qu’il crée même continuellement les créatures, si vous le voulez, et que néanmoins il ne soit point l’auteur du péché. Où l’on montre aussi comment on doit concevoir la nature privative du mal. On fait bien plus ; on montre comment le mal a une autre source que la volonté de Dieu, et qu’on a raison pour cela de dire du mal de coulpe, que Dieu ne le veut point et qu’il le permet seulement. Mais ce qui est le plus important, l’on montre que Dieu a pu permettre le péché et la misère, et y concourir même et y contribuer, sans préjudice de sa sainteté et de sa bonté suprêmes : quoique absolument parlant, il aurait pu éviter tous ces maux.

Et quant à la matière de la grâce et de la prédestination, on justifie les expressions les plus revenantes, par exemple : que nous ne sommes convertis que par la grâce prévenante de Dieu, et que nous ne saurions faire le bien que par son assistance : que Dieu veut le salut de tous les hommes, et qu’il ne damne que ceux qui ont mauvaise volonté ; qu’il donne à tous une grâce suffisante pourvu qu’ils en veuillent user ; que Jésus Christ étant le principe et le centre de l’élection, Dieu a destiné les élus au salut, parce qu’il a prévu qu’ils s’attacheraient à la doctrine de Jésus-Christ par la foi vive ; quoiqu’il soit vrai que cette raison de l’élection n’est pas la dernière raison, et que cette prévision même est encore une suite de son décret antérieur ; d’autant que la foi est un don de Dieu, et qu’il les a prédestinés à avoir la foi par des raisons d’un décret supérieur, qui dispense les grâces et les circonstances suivant la pro fondeur de sa suprême sagesse.

Or, comme un des plus habiles hommes de notre temps, dont l’éloquence était aussi grande que la pénétration, et qui a donné de grandes preuves d’une érudition très vaste, s’était attaché par je ne sais quel penchant à relever merveilleusement toutes les difficultés sur cette matière que nous venons de toucher en gros, on a trouvé un beau champ pour s’exercer en entrant avec lui dans le détail. On reconnaît que M. Bayle (car il est aisé de voir que c’est de lui qu’on parle) a de son côté tous les avantages, hormis celui du fond de la chose ; mais on espère que la vérité (qu’il reconnaît lui même se trouver de notre côté) l’emportera toute nue sur tous les ornements de l’éloquence et de l’érudition, pourvu qu’on la développe comme il faut ; et on espère d’y réussir d’autant plus que c’est la