Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/20

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viennent de la raison ; et qu’un esprit fini (mais fort au-dessus du nôtre) pour rait même exécuter ce que M. Bayle croit impossible à la Divinité : outre que Dieu, réglant par avance toutes les choses à la fois, la justesse du chemin de ce vaisseau ne serait pas plus étrange que celle d’une fusée qui irait le long d’une corde dans un feu d’artifice, tous les règlements de toutes choses ayant une parfaite harmonie entre eux, et se déterminant mutuellement. Cette déclaration de M. Bayle m’engageait à une réponse, et j’avais dessein de lui représenter qu’à moins de dire que Dieu forme lui-même les corps organiques par un miracle continuel, ou qu’il a donné ce soin à des intelligences dont la puissance et la science soient presque divines, il faut juger que Dieu a préformé les choses, en sorte que les organisations nouvelles ne soient qu’une suite mécanique d’une constitution organique précédente ; comme lorsque les papillons viennent des vers à soie, où M. Swammerdam[1] a montré qu’il n’y a que du développement. Et j’aurais ajouté que rien n’est plus capable que la préformation des plantes et des animaux de confirmer mon système de l’harmonie préétablie entre l’âme et le corps, où le corps est porté par sa constitution originale à exécuter, à l’aide des choses externes, tout ce qu’il fait suivant la volonté de l’âme, comme les semences par leur constitution originale exécutent naturellement les intentions de Dieu par un artifice plus grand encore que celui qui fait que dans notre corps tout s’exécute conformément aux résolutions de notre volonté. Et puisque M. Bayle lui- même juge avec raison qu’il y a plus d’artifice dans l’organisation des animaux que dans le plus beau poème du monde, ou dans la plus belle invention dont l’esprit humain soit capable, il s’ensuit que mon système du commerce de l’âme et du corps est aussi facile que le sentiment commun de la formation des animaux, car ce sentiment (qui me paraît véritable) porte en effet que la sagesse de Dieu a fait la nature en sorte qu’elle est capable, en vertu de ses lois, de former les animaux ; et je l’éclaircis et en fais mieux

  1. Swammerdam (Jean), célèbre anatomiste hollandais, né en 1657, à Amsterdam, mort dans cette ville en 1680, célèbre surtout par ses travaux sur les insectes. Ses principaux ouvrages sont Miraculum naturw, seu uteri mulieris fabrica, où il expose tout le système de la génération (Leyde, 1672, in-'l"). Histoire générale des insectes, en hollandais (IHrecht, 1669, in 4°), traduction française (Utrecht, 1671, in-4o). Histoire de t’ép/témère, qui passe pour son chef-d'œuvre (en hollandais, Amsterdam, 1676, in-3°), trad. en latin (Londres, 1681, in-<t°) ; enfin sa Bihlia natimn, ouvrage posthume (Leyde, 1727), trad. en français dans les tomes IV et V de la Collection académique de Dijon. P. J.