Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/4

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maintenir et à exprimer ce qu’elles imitent ; si les cérémonies religieuses, la discipline ecclésiastique, les règles des communautés, les lois humaines, étaient toujours comme une haie à la loi divine, pour nous éloigner des approches du vice, nous accoutumer au bien, et pour nous rendre la vertu familière. C’était le but de Moïse et d’autres bons législateurs, des sages fondateurs des ordres religieux, et surtout de Jésus-Christ, divin fondateur de la religion la plus pure et la plus éclairée. Il en est autant des formulaires de créance ; ils seraient passables, s’il n’y avait rien qui ne fût conforme à la vérité salutaire, quand même toute la vérité dont il s’agit n’y serait pas. Mais il n’arrive que trop souvent que la dévotion est étouffée par des façons, et que la lumière divine est obscurcie par les opinions des hommes.

Les païens, qui remplissaient la terre avant l’établissement du christianisme, n’avaient qu’une seule espèce de formalités : ils avaient des cérémonies dans leur culte, mais ils ne connaissaient point d’articles de foi, et n’avaient jamais songé à dresser des formulaires de leur théologie dogmatique. Ils ne savaient point si leurs dieux étaient de vrais personnages, ou des symboles des puissances naturelles, comme du soleil, des planètes, des éléments. Leurs mystères ne consistaient point dans des dogmes difficiles, mais dans certaines pratiques secrètes où les profanes, c’est-à-dire ceux qui n’étaient point initiés, ne devaient jamais assister. Ces pratiques étaient bien souvent ridicules et absurdes, et il fallait les cacher pour les garantir du mépris. Les païens avaient leurs superstitions, ils se vantaient de miracles ; tout était plein chez eux d’oracles, d’augures, de présages, de divinations ; les prêtres inventaient des marques de la colère ou de la bonté des dieux, dont ils prétendaient être les interprètes. Cela tendait à gouverner les esprits par la crainte et par l’espérance des événements humains ; mais le grand avenir d’une autre vie n’était guère envisagé, on ne se mettait point en peine de donner aux hommes de véritables sentiments de Dieu et de l’âme.

De tous les anciens peuples, on ne connaît que les Hébreux qui aient eu des dogmes publics de leur religion. Abraham et Moïse ont établi la croyance d’un seul Dieu, source de tout bien, auteur de toutes choses. Les Hébreux en parlent d’une manière très digne de la souveraine substance, et on est surpris de voir des habitants d’un petit canton de la terre plus éclairés que le reste du genre humain.