Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/48

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dans la théologie, et celle de la composition du continuum dans la philosophie. Ce sont en effet les deux labyrinthes qui ont exercé de tout temps les théologiens et les philosophes. Libertus Fromondus, théologien de Louvain (grand ami de Jansénius, dont il a même publié le livre posthume intitulé Augustinus), qui a fort travaillé sur la grâce et qui a aussi fait un livre exprès, intitulé Labyrinthus de compositione continui, a bien expérimenté les difficultés de l’un et de l’autre ; et le fameux Ochin[1] a fort bien représenté ce qu’il appelle les labyrinthes de la prédestination.

25. Mais ces auteurs n’ont point nié qu’il soit possible de trouver un fil dans le labyrinthe, et ils auront reconnu la difficulté, mais ils ne seront point allés du difficile jusqu’à l’impossible. Pour moi, j’avoue que je ne saurais être du sentiment de ceux qui soutiennent qu’une vérité peut souffrir des objections invincibles ; car une objection est-elle autre chose qu’un argument dont la conclusion contredit à notre thèse ? et un argument invincible n’estil pas une démonstration ? Et comment peut-on connaître la certitude des démonstrations, qu’en examinant l’argument en détail, la forme et la matière, afin de voir si la forme est bonne, et puis si chaque prémisse est ou reconnue, ou prouvée par un autre argument de pareille force jusqu’à ce qu’on n’ait besoin que de prémisses reconnues ? Or, s’il y a une telle objection contre notre thèse, il faut dire que la fausseté de cette thèse est démontrée, et qu’il est impossible que nous puissions avoir des raisons suffisantes pour la prouver ; autrement deux contradictoires seraient véritables tout à la fois. Il faut toujours céder aux démonstrations, soit qu’elles soient proposées pour affirmer, soit qu’on les avance en forme d’objections. Et il est injuste et inutile de vouloir affaiblir les preuves des adversaires, sous prétexte que ce ne sont que des objections ; puisque l’adversaire a le même droit, et peut renverser les dénominations, en honorant ses arguments du nom de preuves, et abaissant les nôtres par le nom flétrissant d’objections.

26. C’est une autre question, si nous sommes toujours obligés d’examiner les objections qu’on nous peut faire, et de conserver quelque doute sur notre sentiment, ou ce qu’on appelle formidinem

  1. Ochin (Bernardin), moine catholique, converti à la réforme, né à Sienne en 1487, mort en 1564 en Moravie. Son livre Laberinthi del libero è vero seroo arbitrio est très curieux. -On en trouvera une analyse dans le Traité des facultés de Vàme de M. Ad. Garnier, 1, V, cli. I, § 6. P. J.