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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Ladrange, 1866, tome 2.djvu/559

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quement nécessaire, ou déterminé de manière que son contraire implique une imperfection ou une absurdité morale. Et comme la possibilité est le principe de l’essence, de même la perfection ou le degré de l’essence, qui consiste dans la possibilité commune du plus grand nombre de choses, est le principe de l’existence. En même temps on voit clairement par là comment l’auteur du monde est libre, bien qu’il fasse tout avec détermination ; car il agit d’après un principe de sagesse ou de perfection. C’est qu’en effet l’indifférence vient de l’ignorance, et que plus on est sage plus on est déterminé pour un plus haut degré de perfection.

Mais, direz-vous, tout ingénieuse que peut paraître cette comparaison d’un certain mécanisme métaphysique déterminant avec celui des corps graves, elle pèche pourtant en cela que les corps graves exercent une action réelle, tandis que les possibilités et les essences antérieures à l’existence ou en dehors d’elle, ne sont que des imaginations ou fictions où l’on ne peut chercher la raison de l’existence. Je réponds que ni ces essences ni ces vérités éternelles dont elles sont l’objet ne sont des fictions, mais qu’elles existent dans une certaine région des idées, si je puis parler ainsi, c’est-à-dire en Dieu lui-même, la source de toute essence et de l’existence de tous les êtres. Et l’existence de la série actuelle des choses montre assez par elle-même que mon assertion n’est point gratuite. Car comme elle ne contient pas sa raison d’être, ainsi que nous l’avons montré plus haut, mais qu’il faut la chercher dans les nécessités métaphysiques ou les vérités éternelles, et que ce qui existe ne peut venir que de ce qui existait, ainsi que nous l’avons remarqué, il faut que les vérités éternelles aient leur existence dans un certain sujet absolument et métaphysiquement nécessaire, c’est-à-dire en Dieu, où réside la vertu de réaliser ce monde qui autrement serait imaginaire.

Et en effet, nous découvrons que tout se fait dans le monde selon les lois non-seulement géométriques, mais encore métaphysiques des vérités éternelles, c’est-à-dire, non-seulement selon les nécessités matérielles, mais encore selon les nécessités formelles ; et cela est vrai, non-seulement en ce qui concerne généralement la raison que nous venons d’expliquer d’un monde existant plutôt que non existant, et existant ainsi plutôt qu’autrement (raison qui ne peut se trouver que dans la tendance du possible à l’existence) ; mais si nous descendons aux dispositions spéciales, nous voyons les lois métaphysiques de cause, de puissance, d’action, s’appliquer avec