Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/122

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Mais puisqu’en son ardeur mon feu est si extreme,
Que n’ay-je le pouvoir de me brusler moy-mesme,
Et perdre en mesme temps ma vie et mes douleurs ?
Ou puisque de mes pleurs la source est si féconde,
Qu’il ne faut d’autre mer pour noyer tout le monde,
Las ! que ne puis-je aussi noyer tous mes malheurs ?

Le feu ne brusle point sa chere piralide,
Et le poisson ne vit qu’en l’Élement humide,
Mais l’un et l’autre meurt loin du feu et de l’eau :
Donc, favorable Ciel, que mes feux s’amortissent,
Et avec mes douleurs que mes larmes tarissent,
Puis, ô piteuse Mort, viens ouvrir mon tombeau.

Mon mal est en tel point que tout mal il excede,
Et si pour le guerir je n’ay d’autre remede
Que l’espoir de ma mort favorable à mes vœux :
Mais parmy ces tourments où j’ay l’ame asservie,
Il faut que la douleur en.fin m’oste la vie,
Ou qu’elle, en se lassant, me rende plus heureux.


STANCES.


S’il est vray que la mort soit l’absance de l’ame,
Comment puis-je donc vivre eloigné de ma Dame ?
Et comment souspirer si je n’ay point de cœur ?
Un mort ne se plaint point, car la plainte est suivie
D’une triste douleur.
Toutes fois je me plains et si n’ay point de vie.