Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/124

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On ne sçauroit brusler d’une si belle flame,
Et l’on ne void au ciel de si luysant flambeau,
De moy je tiens si cher le doux feu de mon ame,
Que plus il est cuisant, plus je le trouve beau.

Cest œil Roy de mon cœur si doucement me tue,
Quand aveuglé d’ennuy je vay cherchant son jour,
Que quiconque ne cede aux doux traits de sa veue,
Est indigne de vivre et de mourir d’Amour.

Quand mon jeune tiran va d’une main folastre
Crespant en mille rets son or victorieux,
Je punirois mon cœur ainsi qu’un idolatre,
S’il hommageoit Amour plus tost que ses beaux yeux.

Belle et chere prison dont la gloire amoureuse
Rend ma peine plus douce, et prolonge mon sort,
Si tu lasches un jour mon ame langoureuse
Je m’iray soudain rendre au pouvoir de la mort.

Le dueil qui me possede et fait que je souspire,
Est si doux à mon ame et si cher à mon cœur,
Que cessant de souffrir un si plaisant martire,
Je cesseray de vivre avecque ma langueur.

Depuis que j’idolatre une jeune Deesse,
Dont l’œil riche d’appas surprit ma liberté,
Je fuit ma gueridon de peur que je ne laisse
Avecque ma douleur l’amour de sa beauté.