V.
Ne dresseray-je enfin vers le ciel ma volee,
Sans arrester ma pointe ou refondre icy bas ?
Triompheray-je point de ces mondains appas,
Dont le charme retient mon ame ensorcelee ?
Verray-je point ma vie en larmes escoulee
Borner tant seulement avecque le trespas
Mon jusle repentir ? bref ne verray-je pas
Mon ame à vos autels pour victime immolee ?
Bruslez donc mes desirs du feu de vostre Amour,
Ou consommez du tout le tison de mon jour,
Grand Dieu à qui je dois l’honneur de ma naissance :
Car je ne veux plus vivre, ou je veux seulement
Viure à vous seul object de mon contentement,
Toutesfois loin du monde et de son ignorance.
VI.
Le flot pousse le flot, les ombres les lumieres,
Cesluy à son reveil trouve son occidant,
L’autre meurt au midy de son jour plus ardant,
Car le ciel tost ou tard limite nos carrieres
L’un empoulé d’honneur ressemble à ces rivieres,
Dont l’orgueil escumeux dans ses rives grondant
S’enfle par les glaçons que l’Esté va fondant,
Mais qui rend à la mer ses ondes tributaires.