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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

je me garderai si bien en Dambya que toutes ses perfidies tourneront à sa confusion.

Le Dedjadj Guoscho se décida à annoncer aux fils de Conefo la nécessité où il se trouvait d’accepter pour Birro l’investiture de leurs provinces, et il leur fit en même temps les propositions les plus caressantes. Leur conseil et leur armée répondirent par un seul cri de défi, et il se décida à prendre immédiatement la campagne.

Le même soir, il me dit :

— Nous allons probablement avoir une grosse bataille à livrer près de Gondar.

— Que Dieu vous y vienne en aide ! lui répondis-je.

— Pourquoi m’isoles-tu dans un vœu pareil ? Compterais-tu rester en arrière ?

Je lui demandai en riant si j’étais son lige, pour mettre mon corps dans toutes ses entreprises.

— Tu es pour moi mieux que vassal et lige ; un lien de Dieu s’est fait entre nous, et si j’en croyais le désir que j’ai de te complaire, c’est toi qui serais mon suzerain. Mais tu ne songes pas, j’imagine, à me quitter un jour de combat ?

— Non, certes, Monseigneur, lui répondis-je.

En effet, mes sympathies pour ce Prince s’étaient confirmées de plus en plus. Depuis que je m’exprimais en amarigna, par courtoisie et pour me conformer aux usages, je l’appelais Monseigneur ; je m’aperçus bientôt que ce titre n’était pas un mot vain dans ma bouche et qu’il signifiait en réalité que j’étais arrivé insensiblement à l’aimer assez pour désirer me lier à sa fortune. Sans avoir renoncé à mon pays, je jugeais que la rude vie que je m’essayais à mener me donnerait quelques résultats utiles,