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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

bâtir par des ouvriers portugais et l’enrichit d’ornements en profusion telle, qu’on lui donna le nom, resté populaire, de Maison de soie. Sa splendeur a disparu depuis la chute de l’empire ; on y voit encore, parfaitement conservées, les peintures de l’intérieur, représentant tous les épisodes de la guerre parricide que Rougoum (maudit) Tékla-Haïmanote fit à son père Yassous-le-Grand, qu’il fit tuer par un de ses oncles d’un coup de carabine, dans une île du lac Tsana, on y voit aussi la mort de ce parricide, assassiné à la chasse peu après être monté sur le trône. Le quartier voisin composant la paroisse est presque entièrement détruit. Son cimetière ombreux et recouvert d’une herbe vivace qui dissimulait les tertres effondrés des tombes, attirait des oiseaux en grand nombre ; leur gazouillement incessant et le roucoulement des tourterelles étaient les seuls bruits qu’on y entendît. Le palais délabré, vide et silencieux, debout au milieu de ses cours désertes, semblait étendre sur cette église son ombre mélancolique ; aussi la foule portait-elle ses dévotions dans des lieux plus souriants. Les offices s’y célébraient à petit bruit, et l’on n’y voyait que de rares fidèles, la figure émaciée de quelque timide anachorète de passage, ou bien à demi caché derrière un arbre quelque soldat, la tête basse et la pose affaissée, s’humiliant devant Dieu.

En sortant de cette église, je fus accosté par une femme reconnaissable à son costume pour une servante de bonne maison. Elle me dit que sa maîtresse était dans la peine, et que, sachant que j’avais mes entrées auprès du Dedjadj Birro, de qui dépendait son sort, elle me demandait quand je pourrais la recevoir et prendre connaissance de sa situation : et, comme j’hésitais, elle ajouta que sa dame était la Waïzoro Bir-Waha (eau d’argent), fille du Ded-