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les pêches en quartiers qu’ils font sécher au soleil ; ils en font de même des courges et des noix[1]. Quand ils veulent en manger pendant l’hiver, ils les laissent tremper une nuit dans l’eau, et les cuisent comme si elles étaient fraîches de la saison. La récolte principale de tout ce pays est celle du safran. C’est à Lérida que se réunissent les étudiants chrétiens au nombre de mille ou de mille cinq cents, qui ne reconnaissent d’autre autorité que celle du prêtre sous la direction duquel ils étudient.

Pendant six ans j’étudiai dans cette ville la physique et l’astronomie, après quoi je me mis exclusivement pendant quatre ans à l’étude de l’Évangile et de son idiome. Au bout de ces études je quittai Lérida pour me transporter à Bologne[2] en Lombardie.

Bologne est une très grande ville. Les édifices y sont construits en excellentes briques rouges, à cause du manque de carrières de pierre.

Chaque fabricant de briques possède un timbre spécial, pour marquer ses produits. À leur tête se trouve un inspecteur, chargé de contrôler la bonne qualité de l’argile dont ils se servent et la cuisson des briques. S’il arrive qu’une brique se fende ou s’effrite, l’inspecteur en condamne le fabricant à en payer la valeur et le fait frapper de verges.

La ville de Bologne est un centre scientifique pour tous les habitants de cette région[3]. Chaque année il y arrive de tous côtés plus de deux mille étudiants, pour y étudier la science. Tous les étudiants, y eut-il même parmi eux un roi ou un fils de roi, portent pour vêtement le costume du baptême, qui leur sert de signe distinctif. Ils ne sont justiciables que du prêtre auprès duquel ils font leurs études.

Quant à moi j’habitai le presbytère d’un prêtre très âgé et d’une grande autorité, nommé Nicolas Myrtil. Ce prêtre occupait à Bologne un rang très considérable par sa science, sa piété et son ascétisme. Aux yeux de tous les chrétiens de ce temps il était envisagé comme le plus grand savant. De tous côtés, de la part des rois ou d’autres personnages, des questions, se rapportant à la religion, lui

  1. Un man. porte : les carottes.
  2. Les mss. disent : Nabonuiyya, Banouniyya, Manouniyya, Banounaka, Balouniyya, Alabzadiyya, Alandariyya, Alanbaudiyya.
  3. L’Université de Bologne, fondée vers 425 par Théodose le Jeune, comptait autrefois, en effet, plusieurs milliers d’étudiants. Actuellement il n’y en a plus que 500 à 600. Sa réputation scientifique était si bien établie qu’on frappait les monnaies de Bologne avec l’inscription : Bononia docet.