Page:Abeille - Coriolan, 1676.djvu/28

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C’eſt ce deſſein du Ciel que mon zele ſeconde,
Quand je viens affranchir ces Rois futurs du mõde.
Ont-ils vû les Tarquins hors du Trône expirans,
Pour voir en leurs ſujets revivre leurs Tyrans ?
Rompons ce nouveau joug dõt le poids les accable.
Si Brute eſt innocent, pourquoy ſuis-je coupable ?
Imitons-le : achevons contre un Peuple ennemy,
Ce qu’en chaſſant Tarquin il n’a fait qu’à demy :
Et meritons par là que l’avenir nous nomme
Les Vainqueurs des Romains, & les vengeurs de Rome.


ALBIN.

 
Ces noms ſont beaux, Seigneur ; déja vous les portez :
Mais Brute au meſme prix les euſt-il acceptez ?
Allaſt-il emprunter des armes eſtrangeres,
Pour chaſſer les Tarquins du Trône de leurs peres ?
Vous des Volſques domptez relevant les projets,
Vous venez des Romains leur faire des ſujets…


CORIOLAN.

 
Que Brute fuſt heureux, qui pour affranchir Rome,
Aidé de tant de bras n’euſt qu’à perdre un ſeul homme !
Mais, Albin, que mon ſort eſt digne de pitié,
S’il faut pour ſauver Rome en perdre la moitié !
Et ſi ceux que je viens retirer d’eſclavage,
N’oſent que de leurs vœux ſeconder mon courage !
Voila ce qui m’a fait chercher en d’autres lieux
Dequoy rendre la gloire au nom de nos Ayeux.
Si de ce ſang abjet qui l’a toujours flétrie,
Je purge avec rigueur le ſein de ma Patrie ;
Je traiſne à mes coſtez des peuples conquerans,
Qui rempliront les murs vuides de leurs tyrans ;
Et qui réünifiant deux Nations en une,
Rendront nos deſcendans dignes de leur fortune.