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ALBIN.

Et de cette union des vaincus aux vainqueurs,
Dont les Siecles futurs gouſteront les douceurs :
Pour en rendre l’uſage aux Romains plus facile,
Vous donnerez l’exemple en épouſant Camille ?


CORIOLAN.

Quoy ? ſenſible à l’amour que Camille a pour moy,
À Virgilie, Albin, je manquerois de foy ?
Rappelle en ton eſprit cette triſte journée,
Qu’aux douceurs de l’Himen nous avions deſtinée :
Et que le ſort propice à nos perſecuteurs,
Rendit par mon exil ſi funeſte à nos cœurs.
Ceda-t-elle au torrent de la fureur commune ?
Son amour changea-t-il avecque ma fortune ?
Ne voulut-elle pas avec empreſſement
Partager les horreurs de mon banniſſement ?
Exilé, mon mal-heur n’a point eſteint ſa flame :
Et vainqueur, je pourrois la bannir de mon ame ?
Non, j’ateſtay les Dieux en eſſuyant ſes pleurs,
Qu’un plus heureux moment réüniroit nos cœurs.
Ce moment n’eſt pas loin. Je tiendray ma parole.
Bien-toſt tu me verras au pié du Capitole
Demander Virgilie à ces ſeditieux :
Et de leur ſang verſé faire hommage à ſes yeux.


ALBIN.

Vous croyez donc qu’Aufide y conſente ſans peine ?
Que Camille vous cede aux vœux d’une Romaine ?
Et qu’après la victoire elle vous laiſſe en paix
Par de cruels mépris répondre à ſes bien-faits ?
Défiez-vous, Seigneur, de l’amour de Camille.
Craignez tout d’un pouvoir qui luy rend tout facile.
Eſt-ce dans noſtre Siecle un exemple inoüy,
Qu’aux caprices du ſexe un peuple ait obey ?