Page:Abeille - Coriolan, 1676.djvu/60

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Je connois les autheurs de ce noir artifice :
Mais ce nouveau forfait haſtera leur ſupplice.
J’y cours. Lâches Romains, vous payrez dés ce jour
Le tort que voſtre haine a fait à mon amour.


VIRGILIE.

Quoy ? Seigneur, croyez-vous…


CORIOLAN.

Je ſçay ce qu’il faut croire,
Camille auroit ſur vous remporté la victoire ?
Et pour vous de ma foy les Volſques trop certains
Vous l’auroient dit ? non non, ce coup part des Romains.
Avoüez-le : & voyez juſqu’où va leur furie :
C’eſt peu d’eſtre banny du ſein de ma Patrie,
Les perfides, par tout jaloux de mon bon-heur
Me veulent donc encor bannir de voſtre cœur ?
Et vous, Madame, & vous de leur deſſein complice,
D’une indigne pitié flatant leur injuſtice,
Et contre voſtre amant revoltant vos douleurs,
Vous venez dans ſon camp l’accabler de vos pleurs.


VIRGILIE.

Je le voy, vous m’aimez.


CORIOLAN.

Ils le verront, Madame,
Et leur ſang répandu juſtifiera ma flame.


VIRGILIE.

Ah ! juſtifiez-la par un plus noble effort.
Je crois tout. Croyez moins cet aveugle tranſport.
Si vous vous offenſez d’un ſoupçon temeraire,
Mon triſte cœur doit ſeul ſentir voſtre colere.
Rome de ce ſoupçon ne l’a point allarmé :
Dans ſes chagrins jaloux luy ſeul ſe l’eſt formé.
Helas ! que de ſon crime il ſouffre bien la peine !
Pour toucher voſtre cœur ma tẽdreſſe eſt dõc vaine,