Page:Abeille - Coriolan, 1676.djvu/79

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Et de laiſſer enfin au gré de vos ſouhaits,
Vous, mon heureux rival, & les Romains en paix.


VIRGILIE.

Vous nous laiſſer en paix ? mais ingrat, à quel titre
De leur ſort & du mien vous faites-vous l’arbitre ?
De quel pouvoir icy pouvez-vous vous flater ?
Non, vous n’eſtes puiſſant qu’à nous perſecuter.
J’ay trouvé des amis d’un zele plus ſincere,
Qui font en ma faveur ce que vous n’oſiez faire.
Il n’eſt plus temps pour vous d’oſer me ſecourir.


CORIOLAN.

Eh bien, Madame, il eſt encor temps de mourir.
Je le voy, les Romains emportent la victoire.
L’amour de mon rival vous a vendu ſa gloire.
Voſtre cœur eſt à luy.


VIRGILIE.

Non, je n’ay rien promis :
Mais la ſimple douceur d’un peu d’eſpoir permis,
Sur tous ſes ſentiments me rend plus ſouveraine,
Que mon fidelle amour ne l’eſt ſur voſtre haine.
Cependant je n’ay point ſur luy depuis trois ans,
Mille droits que ſur vous m’ont acquis vos ſerments.
Un ſeul de mes regards luy tient lieu de parolle.
Rougiſſez en cruel, tandis que je m’immolle ;
Et que j’enſevelis l’amour que j’ay pour vous,
Dans l’eternelle horreur d’aimer un autre époux.


CORIOLAN.

Ah ! ſi nulle pitié pour mes maux ne vous reſte ;
Au moins épargnez-vous un deſtin ſi funeſte.
N’expoſez point ainſi le repos de vos jours.


VIRGILIE.

J’auray dans mes chagrins la gloire pour ſecours.
Cherchez à voſtre gré le repos de la vie,
Je verray dans mes maux vos plaiſirs ſans envie.