Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/74

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cette Marcia à qui Sénèque dédie l’un de ses plus touchants ouvrages, cette Calpurnia, épouse de Pline le Jeune, qui, dans les lettres de l’intelligent et libéral homme du monde, apparaît comme l’affectueuse et respectée collaboratrice. Et les inscriptions funéraires, avec une vérité touchante, viennent à l’appui. Dans la classe moyenne ou inférieure comme dans l’ordre sénatorial, dans les provinces comme à Rome, la femme mariée est bien l’égale de son mari.

N’est-elle pas d’ailleurs aussi intelligente, aussi instruite, et de la même manière ?

« Sans bruit, sans fracas », dit un éminent spécialiste des choses romaines[1], les Romains réalisèrent cette réforme qui a soulevé chez nous tant de stériles discussions : la coéducation et l’identité des programmes. Bourgeoise, noble ou fille du peuple, la jeune Romaine fréquente les mêmes écoles que ses frères, étudie avec les mêmes maîtres la rhétorique, l’histoire, les éléments des sciences ; femme, elle sait, comme son époux, recevoir les leçons des philosophes, et le stoïcisme et la métaphysique platonicienne, et les systèmes mystiques de l’Orient ont, l’histoire le montre, autant de retentissement, plus peut-être dans les mœurs des femmes que dans les mœurs masculines. Parmi ces matrones d’intelligence nette, d’esprit ouvert, de cœur généreux, qui, quoi qu’en puissent dire les satiriques, sont restées souvent des Lucrèces, des Cornélies, le christianisme trouvera les plus fidèles et les plus utiles des adeptes de la première heure.

Aussi, et malgré les dispositions contraires des

  1. René Pichon : la Question féministe dans l’ancienne Rome ; revue des Deux Mondes, 15 août 1912.