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Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/122

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entre la duchesse d’Humières, chargée de représenter le roi, et Mlle de Charolais… Celle-ci, au moment de la cérémonie de la descente du corps, fît remarquer à celle-là que, quoique ennemie des cérémonies, elle était obligée de soutenir son rang et de lui remontrer qu’elle devait marcher à deux pas derrière elle. Forte de sa qualité de représentante du roi, la duchesse refusa. Il y eut dispute assez grossière sans égard pour le lieu. Lorsque, le lendemain, la duchesse vint trouver Mlle de Charolais, lui disant qu’on lui avait conseillé de faire des excuses : « Dites, dit Mlle de Charolais, que le roi vous a ordonné de faire des excuses[1]. »

Lorsque, en 1753. le prince de Condé épousa une princesse de Soubise, il y eut un trouble général parmi les princesses du sang qui considéraient une telle union comme une mésalliance et le firent connaître au roi lui-même[2].

Ainsi, les princesses comme les princes du sang se considérèrent bien comme formant, au milieu de la noblesse et au-dessus d’elle, une classe à part, distinguée nettement des autres par sa parenté royale et ses droits éventuels au trône. Chez elles, persiste un orgueil féodal assez fort au besoin pour se dresser contre le roi lui-même s’il paraît toucher à leurs privilèges.

Les femmes des grandes familles, dont le nom est illustre dans l’histoire de France ou dont la noblesse est assez ancienne pour permettre l’entrée dans les carrosses du roi, forment naturellement à la Cour parmi les femmes nobles proprement dites la catégorie la plus nombreuse.

Y a-t-il des règles spéciales pour l’acquisition et la transmission de la noblesse féminine ? Celle-ci peut s’acquérir par la faveur royale, par hérédité, par mariage. Le roi peut accorder la noblesse à une femme comme à un homme[3]. Toute fille d’une noble est noble et toute roturière qui épouse un noble est par le fait anoblie. Même la femme participe à tous les titres et privilèges de son mari et la coutume française reconnaît à l’ambassadrice, par exemple, les prérogatives de l’ambassadeur[4]. Mais le noblesse ne se transmet pas par les femmes et une femme noble qui épouse un roturier perd sa noblesse. Dans certains cas, cependant, et dans certaines provinces, il y a une exception à cette règle : dans les provinces de

  1. Barbier. Loc, cit.
  2. D’Argenson. Loc. cit.
  3. On ne le voit d’ailleurs pas au xviiie siècle user de cette prérogative en faveur des femmes.
  4. L’ambassadrice (Berlin, 1754), cité dans Annonces et affiches, 1755.