Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/189

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Rennes, où la fusion mondaine entre la noblesse d’épée et la noblesse de robe est presque complète ; Besançon, Grenoble et surtout Toulouse et Bordeaux.

À Toulouse, le salon de Mme de Cambon, femme du premier président au Parlement, le salon de la présidente du Bourg, le salon de M. et Mme d’Allis réunissent une brillante société mondaine où l’on s’efforce d’imiter autant que possible les amusements de la haute société parisienne.

« On joue au loup, on s’habille à la turque, en robes roses ou vertes, les élégantes se ruinent en toilettes et en jeux de hasard. » Et une cour de lettrés, de beaux esprits discute des nouveautés littéraires et des découvertes archéologiques. À tel moment, on se passionne pour les problèmes du libre échange et de la circulation des grains, à d’autres pour la résurrection d’Herculanum[1]. Mme Duplessis, femme d’un conseiller au Parlement de Bordeaux, réunit des personnages plus notoires. Non seulement des érudits ou des lettrés bordelais mais des célébrités universelles comme Montesquieu. On y cause, non seulement de littérature, mais d’art et de science, car la maîtresse de maison est une savante sans cependant être une femme savante.

Le cadre où vivent les femmes de riches parlementaires, elles tiennent à honneur souvent de le faire semblable par son luxe et sa grâce légère à celui qui entoure les femmes de la Cour. Dans le salon de Mme Duplessis, « partout des tapisseries de haute lice, fauteuils à larges dossiers, canapés, coquetoires, girandoles, glaces et vernis ; aux murs, des scènes de Teniers, des paysages de Berghem, des chasses de Wouwerman et quelques toiles que, de ses doigts légers, a peinte la fée du logis ; à droite, un carton chargé de musiques ; à gauche, un clavecin ; plus loin, un cabinet d’Allemagne enrichi de cuivre doré[2]. »

Cependant, si la recherche du luxe et de l’élégance transforme les demeures des magistrats, il semble que, parmi ces femmes malgré tout imbues de principes austères, la frivolité parisienne n’ait pas pénétré et que des préoccupations sérieuses tempèrent chez elles la joie de vivre. À côté du salon de Mme Duplessis, se trouve une riche bibliothèque où la philosophie voisine avec les lettres et l’art (60 cartons de belles estampes), avec la jurisprudence. Plus loin, un cabinet d’histoire naturelle, l’un des plus riches

  1. Grellet-Dumazeau. Le salon de Mme Duplessis et la société bordelaise au xviiie siècle. — Gouget de Castera. La Société toulousaine au xviiie siècle.
  2. Grellet-Dumazeau. Loc. cit.