Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/15

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d’obtenir ou de conserver les bonnes grâces de Mademoiselle telle ou telle. Je ne cite que pour mémoire les jeunes gens de bonne famille qui vont se faire tuer en Algérie ou au Mexique après avoir mangé leur dernier sou. Ceux-là ont le bon lot ; ils sont heureux ; leur mort rachète leur vie. Songez donc qu’ils auraient pu épouser ces aimables créatures et rentrer dans leur argent et même dans celui d’autrui.

J’avoue encore que dans une société comme la nôtre, où les meilleures places se louent au plus offrant, les mères de famille sont exposées à de singuliers voisinages. Au théâtre, au concert, partout, sauf dans l’enceinte du pesage et chez M. de Beslièvre, l’ivraie et le bon grain se mêlent et se confondent, et l’on n’a pas encore trouvé le crible qui doit les séparer. C’est un mal, j’en conviens, il faut plaindre le bon grain et maudire l’ivraie si l’on veut. Mais ne direz-vous rien à celui qui l’a semée ?

Je voudrais pouvoir vous promettre que ce mélange des deux mondes ne sera pas éternel. Mais j’ai beau guetter les symptômes du mieux ; je ne vois rien paraître. Il me semble, au contraire, que les demoiselles enrichies se confondent insensiblement avec la haute bourgeoisie de Paris. Elles reçoivent sérieusement, elles donnent des dîners où les hommes de premier choix se ruent en cravate