Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/344

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fièvre, dédaignant de poursuivre le succès, qui est venu spontanément à lui.

Je l’ai retrouvé à Saverne tel que je l’avais connu et aimé à l’école, puis à l’hôtel du Grand-Mazarin : un pur esprit, et le plus large et le plus puissant esprit de notre époque. Mais en présence d’un homme si supérieur à moi, je ne me suis pas même demandé pourquoi je n’avais pas suivi la même carrière et tenté de faire le bien dans les mêmes régions que lui. Pour faire sa besogne, il eût fallu que je fusse lui. Il y a des hommes qui naissent pour élaborer les idées, et d’autres qui ne sont bons qu’à les colporter dans le monde, à travers les bourrades de la foule.

Hier soir, avant de me mettre au lit, j’ai lu les dernières pages de ses Nouveaux essais de critique et d’histoire. C’est la réunion de huit ou dix travaux sur Balzac, sur Racine, sur les Mormons, sur La Bruyère, sur Jean Reynaud, Marc Aurèle, le Bouddhisme, que sais-je encore ? Autant d’opuscules, autant de magasins où le lecteur peut faire provision d’idées claires. Dans ces quatre cents pages, il y a de quoi défrayer pendant une année l’esprit le plus affamé de connaissances précises. Quand je lis des travaux aussi pleins que ceux-là, je ne regrette jamais de ne point les avoir faits, car je sens que nul effort n’aurait pu m’élever assez haut au-dessus de moi pour les entreprendre. Fais