Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/70

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clientèle, en le condamnant à savoir tout, lui interdit de rien trouver par lui-même. Il est forcé d’ensevelir dans un travail obscur, ingrat et mal payé, des facultés qui n’étaient peut-être pas médiocres.

Le médecin pour tout faire me rappelle ces horlogers du bon vieux temps qui savaient leur métier sur le bout du doigt dans toutes ses parties. Ils fabriquaient, assemblaient, finissaient par eux-mêmes toutes les pièces d’une montre, et ciselaient la boîte elle-même avec un soin irréprochable. Cela prenait six mois environ pour chacune ; ils en faisaient jusqu’à soixante ou quatre-vingts dans leur vie et mouraient sans avoir rien inventé. La division du travail a changé tout cela. Nous avons des horlogers qui laminent les ressorts, d’autres qui les polissent et d’autres qui les trempent ; chaque rouage est fait par un spécialiste qui le possède à fond ; les pièces sont assemblées par le plus habile homme et repassées par la main la plus délicate. Et à la tête de chaque fabrique il y a des horlogers qui n’ont jamais donné un coup de lime : ceux-là sont les ingénieurs de la chose ; ils inventent, perfectionnent et font exécuter. Moyennant quoi, il se fabrique infiniment plus de montres, elles coûtent beaucoup moins cher et le progrès va son train.

Il se fait dans la médecine une révolution du