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CAUSERIES.

Les protestants s’en mêlent aussi. Non-seulement ils flagellent les vices du siècle dans des pétitions d’une forme et d’un goût admirables, mais ils se prennent très-cordialement aux cheveux dans l’intimité de leurs consistoires et de leurs temples.

Voici en quatre mots la cause des ouragans qui agitent ce verre d’eau froide. Un certain nombre de protestants français se rapprochent insensiblement de l’orthodoxie catholique : les rites sont modifiés, l’aspect des temples se transforme, les versets et les répons s’introduisent dans la liturgie, la confession auriculaire revient sur l’eau ; le clergé, par une prétention toute nouvelle, se fait le juge et l’arbitre souverain du vrai, au détriment de la liberté individuelle. Mais, comme il n’y a pas d’action sans réaction, une multitude de protestants, par un mouvement énergique, se jettent dans les bras du rationalisme. Ils désertent le dogme et nient la divinité de Jésus sans recourir aux circonlocutions attendrissantes de M. Renan. Les chefs de ce parti sont trois hommes d’un caractère et d’un talent hors ligne : M. Colani et M. Leblois, à Strasbourg, et M. Athanase Coquerel, à Paris. M. Athanase Coquerel était pasteur à la fin du mois dernier ; l’intolérance du clergé protestant l’a brisé comme un verre, mais les morceaux en sont bons. N’est-il pas singulier de voir les anciennes victimes de la révocation de l’édit de Nantes pratiquer la persécution à leur tour ?