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faculté de Corfou. M. Delviniotis avait voué à la malade une amitié d’autant plus vive qu’il avait une fille du même âge. Il donnait ses conseils à M. Le Bris, causait en italien avec le comte et Mme de Villanera, et se désolait de ne pas savoir le français pour faire plus ample connaissance avec Germaine. On le voyait assis devant elle pendant des heures entières, cherchant une phrase, ou regardant sans rien dire, avec cette politesse tranquille et muette qui règne dans tout l’Orient.

L’homme le plus bruyant de la compagnie était un vieux Français établi à Corfou depuis 1814, le capitaine Brétignières. Il avait quitté le service à vingt-quatre ans avec une pension de retraite et une jambe de bois de chêne. Ce grand corps maigre et osseux boitait gaillardement, buvait sec et riait haut, à la barbe de la vieillesse. Il faisait une lieue à pied pour venir dîner à la villa Dandolo, contait des histoires militaires, frisait sa moustache, et soutenait que les îles Ioniennes devraient appartenir à la France. C’était un convive d’autant plus précieux que sa gaieté échauffait la maison. Quelquefois, en se versant rasade, il disait d’un ton sentencieux : « Quand on s’estime et quand on s’aime, on peut boire ensemble tant qu’on veut sans se faire de mal. » Germaine dînait toujours de bon appétit lorsque le capitaine était là. Cet aimable boiteux, cramponné si obstinément à la vie, l’éblouis-