Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/212

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ches, il ne leur manquait que des enfants et des petits-enfants. La nature leur avait donné un fils, un seul, parce qu’ils ne lui en avaient point demandé davantage. Ils auraient pensé commettre un crime de lèse-écus en partageant leur fortune entre plusieurs. Malheureusement, ce fils unique, héritier présomptif de tant de millions, mourut à l’université de Heidelberg, d’une indigestion de saucisses. Il partit à vingt ans pour cette Walhalla des étudiants teutoniques, où l’on mange des saucisses infinies en buvant une bière intarissable ; où l’on chante des lieds de huit cents millions de couplets en se tailladant le bout du nez à coups d’épée. Le trépas malicieux le ravit à ses auteurs lorsqu’ils n’étaient plus en âge de lui improviser un remplaçant. Ces vieux richards infortunés recueillirent pieusement ses nippes pour les vendre. Durant cette opération lamentable (car il manquait beaucoup de linge tout neuf), Nicolas Meiser disait à sa femme : « Mon cœur saigne à l’idée que nos maisons et nos écus, nos biens au soleil et nos biens à l’ombre s’en iront à des étrangers. Les parents devraient toujours avoir un fils de rechange, comme on nomme un juge suppléant au tribunal de commerce. »

Mais le temps, qui est un grand maître en Allemagne et dans plusieurs autres pays, leur fit voir que l’on peut se consoler de tout, excepté de l’ar-