à peine ont-ils des futailles. Les bouteilles, qui viennent d’Europe, coûtent fort cher dans les ports. Il ne faut pas songer à les transporter dans l’intérieur du pays : elles arriveraient en miettes. Le vin se conserve dans des outres et se dépose dans des chambres. Pour l’empêcher de se gâter, on le mélange de résine. C’est un peu le raisonnement de l’homme qui se jetait à l’eau de peur d’être mouillé. J’ai connu bon nombre de voyageurs qui rejetaient avec indignation leur première gorgée de vin résiné, et qui aimaient tout autant boire de la poix liquide. J’en ai vu beaucoup d’autres, sans me compter, qui s’accoutumaient à ce breuvage, très-hygiénique du reste, et qui, à force d’étude, parvenaient à faire abstraction de la résine et à deviner la saveur du vin sous ce malheureux déguisement.
Le même raisin sert à fabriquer des vins fins et des vins ordinaires, et l’on récolte souvent dans la même vigne deux liqueurs de qualité, de goût et de prix très-différents. Si, au moment de porter la vendange au pressoir, on en réserve une partie pour l’exposer au soleil sur les terrasses, ce raisin, après quinze jours d’évaporation, fournit un vin plus doux, plus spiritueux et plus facile à conserver.
Le rino santo de Santorin, préparé de cette manière, est encore plus estimé que le santorin sec ; mais il est difficile de le boire pur à Athènes. Les marchands craindraient de se faire montrer au doigt, s’ils vendaient quelque denrée sans la frelater.
Il y a en Grèce plus de trente-deux mille hectares de vignes appartenant aux particuliers.