que Garnier apprécia, et deux ou trois espèces de vin muscat en bouteille. Le tout était de leur cru. L’hégoumène refusa de partager notre dîner : il avait mangé avec son petit monde ; mais il nous fit raison, et la soirée se passa gaiement.
« Et quels sont tes plaisirs ? » lui demandai-je, comme Athalie au jeune Éliacin.
Il m’insinua qu’il jouissait avant tout du plaisir le plus pur que Dieu ait donné à l’homme, qui est de ne rien faire. Il ajouta que je n’avais qu’à regarder mon verre et mon assiette pour voir deux autres sources où il puisait de temps en temps quelque satisfaction. Il finit par déclarer qu’il avait fait son deuil des plaisirs que sa condition lui défend, mais qu’il avait autour du couvent quelques lieues de forêts et de montagnes où il pouvait chasser, courir et dompter son corps par la fatigue. « Viens me voir l’an prochain, me dit-il, au printemps ou à l’automne, quand tu seras de loisir. Nous chasserons ensemble, nous viderons quelques-unes de ces bouteilles, et tu verras, mon enfant, que le métier de moine est un métier de roi !
— Amen ! » dit l’assistance ; et l’on alla se coucher.
Les moinillons s’étaient privés pour nous de leur chambre, de leur lit et même de leurs draps. Les pauvres petits diables passèrent la nuit sous un hangar, à la pâle lueur des étoiles.
Le lendemain, avant le jour, Leftéri vint nous éveiller. Les chevaux étaient prêts. Nous voulions attendre que l’office du matin fût fini pour prendre congé de l’hégoumène ; mais il sortit de l’église sans