Page:About - La Grèce contemporaine.djvu/251

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On doit croire que si les Grecs s’astreignent à un régime si sévère, ce n’est pas seulement pour le plaisir de manger des olives pourries ; c’est surtout pour gagner le ciel. Mais il y a gros à parier que le carême envoie plus d’hommes en enfer qu’en paradis, tant il leur fait commettre de péchés d’envie. Je n’ai jamais vu un Grec manger ses olives sans l’entendre dire : « Mais mangerai-je de la viande le jour de Pâques ! »

Durant la semaine sainte, qu’ils appellent la grande semaine, ce désir de viande, qui n’est ni refréné ni satisfait, s’exalte jusqu’à la frénésie. Le grand jeudi, le grand vendredi, le grand samedi s’écoulent avec une lenteur désespérante. Notre hôte l’anagnoste, dans l’île d’Égine, me répétait tous les jours en prenant son repas : « Tu verras comme je boirai du vin le jour de la brillante ! comme je danserai ! comme je me soûlerai ! comme je tomberai plat comme porc, le ventre à terre ! » Cet homme était naturellement sobre, et, sans le carême, il ne se serait peut-être jamais enivré.

C’est par ces pieuses pensées que le peuple et le clergé abrégent la longueur du carême. Ils croient faire assez pour leur salut en s’interdisant les viandes défendues, et ils s’imaginent que la soumission de l’estomac les dispense de celle du cœur.

Le samedi de Pâques, à minuit, le carême finit, la fête commence. Toutes les églises sont gorgées de monde. Dans la plus grande de ces masures, on élève un trône pour le roi et la reine. Sur la place voisine, on dresse pour eux une estrade jonchée de fleurs, où ils s’arrêtent un instant avant d’entrer. C’est là que le clergé va les recevoir et leur annoncer la résurrec-