La veille de mon départ de Paris, Mme A… une des sommités de l’aristocratie russe, m’avait confié quelques commissions pour sa fille, Mme Catherine S***, mariée à Athènes. C’étaient des robes, des bijoux, et un polichinelle digne d’amuser un roi. Le jour même de mon arrivée, je courus chez Mme S***, précédé de Petros, qui portait les paquets d’un air aussi maussade qu’un diable qui porte des reliques. Petros n’a jamais compris qu’on lui fît porter des paquets, lorsque la nature a créé les Maltais tout exprès pour cela. Mme S*** reçut les paquets et moi avec cette effusion de cordialité qui ne coûte rien aux Russes. Elle me pria à dîner pour le lendemain, et m’invita à un bal qu’elle donnait huit jours après. J’acceptai avec empressement l’une et l’autre invitation. Le bal surtout affriandait ma curiosité : il me tardait de voir une réunion complète du beau monde d’Athènes.
C’est le 18 février que ce grand événement se produisit. Les astronomes l’annonçaient depuis le commencement de l’hiver. Les bals ne sont pas communs dans la société d’Athènes, qui n’est pas nombreuse. Lorsqu’en dehors des bals de la cour on a dansé quatre fois en une année, on dit : « L’hiver a été gai, nous nous sommes bien amusés. »
Mme S*** avait fait une sorte de coup d’état en s’abstenant d’inviter un certain nombre d’uniformes mal élevés qui s’imposent partout, et qu’on tolère en murmurant. C’est assez dire qu’elle avait fait bonne provision d’ennemis qui n’auraient pas été fâchés d’empêcher son bal.
Il n’y a dans Athènes qu’un seul orchestre : celui