peut-être aussi une histoire d’amour, fraîche et riante comme le printemps, et dont nous emportions dans nos bagages le dernier monument et le seul souvenir. Mais que faire ? Nous voulions des costumes, nous n’étions pas riches, et chaque fois que nous achetions, nous étions tentée de laisser la chose et de donner l’argent.
Mais c’est quand nous avons eu terminé nos emplettes qu’il a fallu livrer de rudes combats. Nous ne voulions plus rien acheter, et tout le monde voulait nous vendre. En ma qualité d’interprète, j’étais assiégé. Une femme me disait : « Moi aussi, je suis pauvre, je suis malade ; pourquoi ne m’achètes-tu rien ? » Une autre s’écriait : « Tu as acheté à des jeunes filles ; j’ai quatre enfants, et tu ne m’achètes rien ; tu n’es pas juste ! » J’avais beau leur répondre que nous n’avions plus besoin de rien, que notre voyage serait encore long, que nos chevaux étaient surchargés : elles ne voulaient rien entendre.
En même temps, d’autres femmes nous amenaient leurs enfants, et nous disaient : « Ils pleurent pour avoir un sou. » Avait-on donné à l’un, il fallait donner aux autres ; tous avaient de si bonnes raisons : pas de pain ! Et ce terrible pas de pain n’est point ici une figure de rhétorique à l’usage des mendiants. Notre provision de pain était presque épuisée ; à aucun prix nous n’avons pu nous en procurer dans le village. Il n’y a que deux hommes qui aient du vin ; nous en avons acheté : c’est du vinaigre. Et ce vin passe pour admirable : combien de ces pauvres gens n’en ont jamais bu ! Une femme vint nous demander du sucre pour je ne sais quel remède. Le sucre est