Page:About - La Grèce contemporaine.djvu/390

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s’y décident, c’est pour revenir bientôt à leurs rochers.

Un matin que nous dormions à quelques lieues de Pyrgos après notre déjeuner, nous fûmes réveillé brusquement par un bruit confus de voix et de pas. En ouvrant les yeux, je vis défiler sur le chemin une longue caravane d’hommes, de femmes, d’enfants, de chevaux et d’ânes chargés de bagage. Pauvre bagage ! c’étaient des tentes, des meubles grossiers, des vêtements, et quelques marmots jetés pêle-mêle avec quelques poules. Je me rappelai le premier chant d’Hermann et Dorothée, et ce triste et touchant tableau de l’émigration. Mais nos émigrés d’Arcadie ne fuyaient point leur village : ils y retournaient. L’un d’entre eux, un beau vieillard, me conta leur histoire. Ils habitent une montagne que la neige couvre tous les hivers. Aux premiers froids, ils plient leurs tentes, et descendent à Pyrgos. L’hiver n’est pas bien long : Pendant trois mois peut-être, les plus forts se placent comme ouvriers ou comme domestiques ; les plus faibles et les plus petits vivent sur le travail des autres. Et tous, au retour du printemps, reprennent le chemin de la montagne et de la liberté. Leurs visages étaient contents : ils portaient gaiement le poids de la fatigue et de la chaleur. Cependant leur joie n’était pas bruyante. C’est en orient surtout que « le bonheur est chose grave. »

Je les regardais défiler, en rêvant au destin de ces hirondelles humaines qu’un pieux destin ramène chaque printemps à leur nid. Le vieillard à qui j’ai parlé doit avoir fait plus de quatre-vingt fois dans sa vie le chemin de Pyrgos ; et jamais il ne lui est entré