Page:About - La Question romaine.djvu/141

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On m’a présenté un des 59 privilégiés de la clémence pontificale. C’est un avocat, il l’était du moins jusqu’au jour où il a obtenu sa grâce. Il me conta le rôle assez inoffensif qu’il avait joué en 1848, les espérances qu’il avait fondées sur l’amnistie, le désespoir qui l’avait saisi lorsqu’il se vit exclu ; sa vie en exil, les ressources qu’il s’était créées en donnant des leçons d’italien comme l’illustre Manin, et tant d’autres. « J’aurais pu vivre heureux, me dit-il, mais un beau jour le mal du pays m’a serré le cœur, j’ai senti qu’il fallait revoir l’Italie ou mourir. Ma famille a fait des démarches, nous connaissons le protégé d’un cardinal. La police a dicté ses conditions, j’ai tout accepté en fermant les yeux. On m’aurait dit : « Coupez-vous le bras droit et vous rentrerez ; » je me serais coupé le bras droit. Le pape a signé ma grâce et publié mon nom dans les journaux, afin que personne ne fût ignorant de ses bontés. Mais le barreau m’est interdit et je ne peux pas gagner ma vie en enseignant l’italien dans un pays où tout le monde le sait. »

Comme il achevait ces mots, les cloches du voisinage sonnèrent l’Ave Maria. Il pâlit, prit son chapeau et s’échappa de la chambre en disant : « Malheureux ! j’ai oublié l’heure. Si la police arrive avant moi, je suis perdu »

Ses amis me donnèrent le secret de sa terreur subite. Le pauvre homme est soumis au precetto c’est-à-dire à un certain règlement imposé par la police.

Il faut qu’il soit rentré tous les soirs au coucher du