Page:About - La Question romaine.djvu/193

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qu’on pourrait appeler l’ambition géographique. Elle ne dédaigne pas de conquérir le monde à ses idées, mais elle ne veut rien de plus. Ce qui fait la beauté de notre histoire, pour qui la regarde d’un peu haut, c’est le double travail poursuivi simultanément par le souverain et la nation pour concentrer la France, et disperser les idées françaises.

La vieille diplomatie autrichienne, depuis plus de 600 ans, s’occupe sans relâche à coudre des morceaux d’étoffe sans arriver à faire un habit. Elle ne regarde pas à la couleur du drap, ni à la solidité ; elle pousse l’aiguille et coud toujours. Le fil qu’elle emploie est souvent du fil blanc ; souvent aussi, il casse et le morceau se découd : elle s’empresse d’en chercher un autre. Une province se détache, on en retrouve deux ; la pièce se déchire par le milieu, on rattrape un lambeau, et l’on y recoud, vite, vite, tout ce qui peut tomber sous la main. Cette monomanie de couture a pour effet de changer incessamment la carte de l’Europe, de rapprocher, au gré du hasard, des races et des religions de toute sorte, et de troubler l’existence de vingt peuples sans créer l’unité d’une nation. Quelques vieillards machiavéliques, assis à Vienne autour d’un tapis vert, dirigent le travail, mesurent l’étoffe, se frottent les mains lorsqu’elle grandit, s’arrachent la perruque toutes les fois qu’un morceau se déchire, et regardent de tous côtés où l’on pourrait trouver à prendre. Au moyen âge, on envoyait les fils de la maison chez les princesses étrangères ; ils leur faisaient la cour en alle-