Page:About - La Question romaine.djvu/208

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monde, même par les domestiques de petite maison ; ils respirent une atmosphère de mépris qu’on peut appeler la mal’aria de l’honneur. Relevez-les, monseigneur, ils ne demandent pas mieux.

— Avez-vous donc le moyen de nous faire une armée aussi fière et aussi fidèle que l’armée française ? C’est un secret que le cardinal achèterait bien cher !

— Je vous l’offre pour rien, monseigneur. La France a toujours été le pays, le plus militaire de l’Europe ; mais, au siècle dernier, le soldat français ne valait pas beaucoup mieux que le vôtre. Les officiers ont peu changé, à cela près que le roi les choisissait dans la noblesse, et qu’aujourd’hui ils s’ennoblissent eux-mêmes par le travail et le courage. Mais le soldat proprement dit ! Il était chez nous, il y a cent ans, ce qu’il est encore ici : l’écume du peuple. Racolé dans les cabarets, entre une pile d’écus et un verre d’eau-de-vie, il se faisait plus redouter des paysans que des ennemis. Le mépris des populations, la bassesse de son état, l’impossibilité de monter en grade, pesaient lourdement sur ses épaules, et il se vengeait de tout sur la cave et la basse-cour. Il tenait son rang parmi les fléaux qui désolaient la France monarchique. Écoutez La Fontaine :

La faim, les créanciers, les soldats, la corvée,
Lui font d’un malheureux la peinture achevée.

« Vous voyez que vos soldats de 1858 ressemblent quelque peu à nos soudards de la monarchie. Si toutefois vous trouvez qu’absolument parlant, ils ne sont