Page:About - Rome contemporaine.djvu/120

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tout le jour, déjeuné sur le pouce, et, dans votre intérêt même, je devais réparer mes forces. Ventre affamé n’a pas plus d’yeux que d’oreilles, et un observateur à jeun vous apprendrait peu de chose.

On m’a servi d’abord la salade, qui est le fond de tous les soupers romains, puis un morceau de bœuf à l’étouffée qui vous mettrait l’eau à la bouche si je pouvais faire passer dans ma prose un peu de son parfum et de sa succulence. Un gigot de chevreau est venu ensuite dans un plat de petits pois. L’entremets se composait d’une rondelle de fromage blanc, frit à la poêle, et j’ai eu pour dessert une grande assiettée de fraises d’Albano, exquises en vérité. Voilà comme on soupe au cabaret, pour une quarantaine de sous ; il est vrai que dans les hôtels et chez les pâtissiers la cuisine est aussi chère que détestable. Le vin de Rome n’est bon dans aucun endroit, mais c’est encore au cabaret qu’il se laisse mieux boire. Il est clairet, limpide, et d’une couleur dorée ; on le sert dans des bouteilles de verre blanc, légères comme le souffle et fragiles comme la vertu.


Mes voisins de droite ont fini de souper bien avant moi ; mais comme ils n’avaient pas fini de boire, le joli serrurier a proposé une passatelle. C’est un jeu prohibé, mais dans la ville de Rome rien n’est permis et tout se fait. Chacun des convives a donné quatre sous, et l’hôte a servi cinq flacons de vin au milieu de la table. « Chacun son écot » est une devise romaine que nous avons traduite en français. On a tiré au sort pour savoir à qui appartiendrait