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Page:About - Rome contemporaine.djvu/121

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toute la boisson payée en commun et lequel des cinq commensaux serait le maître du vin. C’est ainsi que les anciens Romains jouaient aux dés la royauté du repas. Mais dans les pique-niques modernes, la royauté dégénère souvent en tyrannie et provoque des révolutions sanglantes. Le maître ou patron du vin fut mon voisin le beau serrurier. Les privilèges de son rang consistaient premièrement à boire tout son soûl avant de rien donner aux autres ; et en second lieu à choisir un ministre qui remplirait tantôt un verre, tantôt un autre, toujours au gré du roi, et jamais sans son aveu.

Il paraît que notre voisin le bouledogue n’était pas bien en cour. Il tendit deux fois son verre pour demander à boire ; deux fois le ministre prit une bouteille pour lui verser du vin ; deux fois aussi le prince Charmant se plut à dire : « Il ne boira pas ; c’est moi qui boirai. Ministre, mon ami, Excellence de mon cœur, voici le verre qu’il faut remplir. » Et de rire ! Le bouledogue était monsieur de la triste figure. Il avait payé, le gosier lui démangeait, le vin lui passait devant le nez, et ses amis se moquaient de lui.


Le vin fut bientôt épuisé, et le bouledogue, qui avait sa revanche à prendre, proposa lui-même une deuxième passatelle. « Que je sois le maître du vin ! dit-il au joli serrurier, tu verras si je t’en donne une goutte. — Et que m’importe ! répondit l’autre en riant aux éclats, tu vois bien que je n’ai plus soif. » Soif ou non, le sort lui fut encore favorable, et la disposition du vin lui échut une