Page:About - Rome contemporaine.djvu/123

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toutes les autres. Il se leva de table, enfonça son chapeau sur sa tête et revint se camper en face de l’image qu’il avait adorée. Je crus qu’il allait injurier la madone, mais quelque chose le retint et il fit tomber toute sa colère sur le divin enfant qu’elle portait dans ses bras : « Misérable bambin, lui cria-t-il, Judas a bien fait de te vendre. » Ainsi soulagé, il sortit. Son adversaire ramassa son argent et la montre, redemanda un flacon de vin qu’il but lentement, examina la pointe de son couteau, s’arrêta à la porte du cabaret pour voir si personne ne l’attendait dehors, et partit.


Une troisième passatelle s’était engagée à ma droite, et le sort têtu avait encore favorisé mon beau voisin. Le bouledogue, ivre de soif et de dépit, lui disait de gros mots dont il ne faisait que rire. Il répondait en plaisantant aux malédictions de son ennemi, et j’ose dire qu’elles étaient de poids. Voici un échantillon de la litanie :

« Face de chien !

« Guillotine à tes morts ! » c’est-à-dire, puissent tes ancêtres avoir péri par la main du bourreau !

« Puisses-tu mourir d’accident à froid ! » L’accident simple est l’apoplexie ; l’accident à froid est le coup de couteau.

« Et toi, répondait mon voisin, tu mourras d’un accident à sec ! »

Cette plaisanterie provoqua une hilarité universelle, et le bouledogue en prit un redoublement de colère.

J’avais échangé tant de regards avec la jolie meunière