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sonnés, mais vert et vigoureux. Il regardait l’assemblée sans rien dire, en vidant son verre jusqu’au fond. Un foulard noué autour de sa jambe et une tache de sang qui perçait dessous me donnèrent à croire qu’il était blessé. Mais comme sa physionomie n’indiquait pas qu’il fût en veine de confidence, je partis sans lui avoir demandé son secret. Le premier garçon du cabaret, qu’on appelait M. le principal, m’indiqua un café voisin où l’on faisait quelquefois de la poésie et de la musique. « C’est là, me dit-il, que je vais tous les soirs ; vous ne trouverez rien de mieux. »

J’y fus bientôt rejoint par le meunier et sa femme, qui avaient ramené leur fille à la maison. Le meunier s’assit en face de moi, à quelques tables de distance, et il me regarda obstinément d’une façon qui voulait dire : Tu ne seras pas mon gendre ! C’était le cadet de mes soucis, et je vidai paisiblement le verre de café qu’on avait servi devant moi.

La salle était dallée proprement, et tendue de percaline blanche avec des bordures rouges à tous les angles. Le mobilier se composait de chaises de paille et de tables de marbre ; les petites cuillers d’argent étaient de forme ancienne et de poids notable. Une vingtaine d’ouvriers et d’ouvrières composaient tout le public : tous gens fort bien élevés, qui prenaient leur café et leur rosolio sans bruit.


Mon arrivée n’avait pas interrompu un combat de virtuoses. Tous les dimanches, ou peu s’en faut, quelques amateurs de poésie se réunissent là pour improviser des